Chers amis, chère famille,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour rendre hommage à un homme, Alain Berlinet, mon père, et honorer sa mémoire. J'aimerais vous parler de lui, de ce qu'il a été, de ce qu'il nous laisse.
Mon père est né à Flines-lez-Raches près de Douai. Très jeune, il a connu le deuil : la perte de son père à 2 ans, et celle de sa maman, emportée par un cancer, alors qu'il n'avait que 14 ans. Ses pertes l'ont profondément marqué et ont allumé en lui une volonté farouche de construire sa propre vie, de s'élever, de fonder.
Il a bâti sa vie à la force de ses études, de son travail acharné, de son immense rigueur et de son intelligence. Il est devenu mathématicien. Pour lui, les mathématiques étaient un langage, une façon de découvrir et de comprendre le monde. Il a mené une carrière universitaire brillante et il a été un chercheur reconnu internationalement, ce qui l'a amené aux 4 coins du monde.
A l'âge de 17 ans, il a fait une rencontre fondamentale qui allait marquer toute sa vie : il a croisé les yeux de Marie-France qu'il épouse 3 ans plus tard. Il a ainsi fondé une famille et ensemble, ils ont eu 3 enfants, des années de vie partagées.
Les anniversaires, les fêtes, les petites et grandes occasions de se réunir, mon père y était particulièrement attaché, certainement parce qu'il savait ce que c'était d'en manquer. L'amour a toujours été là, dans les regards, dans les gestes et même dans ce qui n'avait pas toujours été dit.
Mon père est devenu un grand-père très fier. Il observait grandir sa famille et ses petits-enfants avec intérêt, avec bienveillance. Etre grand-père, c'était pour lui une victoire sur la vie, une trace laissée, une joie profonde, une source d'émerveillement. Chaque réunion de famille agrandie était pour lui une grande source de bonheur. Ceux qui l'ont connu et tous ses amis se souviennent de son humour et de son esprit fin, de cette capacité à réfléchir profondément et à faire mouche avec une seule phrase.
Papa aimait sa maison, il y tenait énormément. Ce lieu n'était pas qu'un toit, c'était le fruit et le symbole de tout ce qu'il avait construit, de toute une vie de travail. Il y était fier, il s'y sentait bien. C'est là qu'il voulait rester, c'est là qu'il a voulu partir.
Le jardin, ah...le jardin ! Trop désordonné aux yeux de Maman, mais pour lui ce joyeux désordre avait un sens profond. Un endroit où la Nature vivait librement, imparfaite mais pleine de vie. Il y passait de longs moments, à simplement "faire le tour" comme il disait, à observer, à contempler.
Et puis il y avait le bâtiment B. Son repaire, son refuge. C'est là qu'il s'isolait pour penser, construire. Entre mathématiques, informatique, électronique et plus tard imprimante 3D… c'était un univers à lui, une extension de son esprit curieux et passionné.
Mais il y a une chose que l'on se doit d'évoquer pour parler de mon père, c'est Maman. Ensemble, ils ont traversé plus de 50 ans de vie commune. Leur histoire n'a pas toujours été facile et comme dans toute vie, il y a eu des vents contraires, mais ils ont tenu bon. Leur lien s'est transformé, renforcé et dans les dernières années, ils ont développé une très grande complicité. Ils ont partagé de petits riens précieux, faits de pâtisseries, de grilles de mots croisés, de blagues qui leur faisaient pétiller les yeux et les rendaient heureux. Maman a été son pilier, elle lui a tout donné. Lui, il a été son appui, sa raison d'être.
Mon père nous quitte et il laisse derrière lui un vide énorme et l'image d'un homme qui, parti de très peu, a su tout bâtir à la force de sa volonté, celle d'un homme d'une grande intelligence, drôle et très attaché à sa famille. Il reste avec nous dans chaque souvenir, chaque blague, chaque "tour de jardin".
Aujourd'hui, nous nous consolons en pensant qu'il est à présent réuni avec ceux qu'il aimait et qu'il a perdus bien trop tôt.
Que le ciel qu'il a tant aimé contempler tout au long de sa vie, les yeux pleins de silence et d'émerveillement, l'accueille à son tour et lui offre enfin l'apaisement de l'infini.
Merci, Papa.